Depuis une douzaine d’année l’avocat français a fait son entrée dans le monde sportif, grâce à un statut particulier, celui d’avocat mandataire sportif.
En effet, aux termes de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, modifiant la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, a consacré la reconnaissance de l’avocat mandataire sportif.
Depuis le 28 mars 2011, il est possible pour les avocats, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre de « représenter, en qualité de mandataire, l’une des parties intéressées à la conclusion de l’un des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 222-7 du Code du sport. ».
Les contrats visés par l’article L. 222-7 du Code du sport sont les contrats :
– relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement ;
– ou qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.
Néanmoins, ces dispositions ne font pas de l’avocat mandataire sportif un agent sportif puisque la nature de leurs missions est par nature différente.
En outre, contrairement à l’avocat mandataire sportif, les agents sportifs aux termes de l’article L. 222-7 du Code du sport réalisent des actes de courtage entre un organisateur ou groupement sportif d’une part, et un sportif d’autre part ou un groupement sportif d’une part, et un sportif d’autre part, pour la conclusion de contrats visés dans ledit article L’activité des agents sportifs est donc purement commerciale et donc incompatible avec la profession d’avocat.
Moins régulée, l’activité d’agent sportif s’exerce par ailleurs avec une plus grande latitude que celle d’avocat mandataire sportif. Ce dernier exerce son activité dans le respect des règles déontologiques régissant sa profession.
A ce titre, l’avocat mandataire sportif doit être titulaire du « Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat » et être un spécialiste du droit. Il est soumis aux règles déontologiques de la profession d’avocat (secret professionnel, etc.) ce qui lui interdit d’exercer des activités commerciales (sauf celles qui sont exercées à titre accessoires, si elles sont connexes à la profession d’avocat) Enfin, sa rémunération est limitée à 10% du montant du contrat visé à l’article L. 222-7 du Code du sport.
Cette réglementation n’a pourtant pas été un frein au développement de cette nouvelle activité. Bien au contraire, les règles déontologiques régissant la profession d’avocat représentant un véritable gage de confiance, de nombreux sportifs, face aux nombreux scandales juridiques et financiers dans lesquels les agents sportifs étaient impliqués, se sont orientés vers les avocats mandataires sportifs.
Au regard du succès rencontré par cette nouvelle activité de l’avocat et dans une volonté d’accroitre la place de l’avocat dans le monde sportif, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris est venu préciser dans son règlement intérieur – par la création d’un nouvel article P.6.3.0.3 – la définition des activités de l’avocat mandataire sportif en prévoyant que :
« L’avocat peut, en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat, soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.
L’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite, qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l’avocat les honoraires correspondant à sa mission ».
Par cette précision, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris permettait donc à l’avocat mandataire sportif d’exercer les prérogatives jusqu’ici uniquement réservées à l’agent sportif, c’est-à-dire l’activité d’intermédiation.
Perdant le monopole qui leur été octroyé par l’article L. 222-7 du Code du sport, les agents sportifs soutenus par les différentes institutions sportives (le Comité National Olympique et Sportif Français, la Fédération Française de Football, la Fédération Française de Rugby et l’Union des Agents Sportifs Français) ont vivement critiqué cette décision.
C’est pourquoi, ces derniers se sont joints au recours formé par le Procureur général près la Cour d’appel de Paris en annulation à l’encontre de la délibération du Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris autorisant à l’avocat mandataire sportif l’exercice d’une activité s’apparentant à une activité de courtage par nature commerciale.
Par un arrêt en date du 14 octobre 2021, la Cour d’appel de Paris a annulé le nouvel article P.6.3.0.3 du règlement intérieur du Barreau de Paris en rappelant que l’activité de mise en rapport constitue une activité principale de courtage par nature commerciale ne pouvant s’exercer à titre accessoire par l’avocat.
Mettant un premier coup d’arrêt à l’activité d’avocat mandataire sportif, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris et l’Association des avocats mandataires sportifs ont chacun formé un pourvoi en cassation.
Par un arrêt rendu le 29 mars 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par le Conseil de l’ordre des Avocats au Barreau de Paris et l’Association des avocats Mandataires Sportifs contre l’arrêt rendu le 14 octobre 2021 par la Cour d’appel de Paris.
Confirmant la position de la Cour d’appel de Paris, la Cour de cassation a affirmé que l’activité de mise en rapport de plusieurs parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunérée d’une activité sportive ou d’entraînement étant une activité de courtage par nature commerciale n’est réservée qu’aux personnes physique détentrice d’une licence d’agent sportif.
Par conséquent, la Cour de cassation consacre définitivement l’interdiction pour l’avocat d’exercer une activité de courtage en matière sportive et cantonne l’avocat mandataire sportif qu’à l’activité de représentation des intérêts d’une seule partie intéressée la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement. La Cour de cassation a par ailleurs rappelé que l’avocat mandataire sportif ne peut être rémunérée que par son client.
Dès lors, le nouvel article P.6.3.0.3 du règlement intérieur du Barreau de Paris est annulé en ce que (i) l’activité prévu en son premier alinéa est incompatible avec l’exercice de la profession d’avocat et (ii) en ce qu’il n’est pas possible pour le sportif de donner mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l’avocat mandataire sportif les honoraires correspondant à sa mission.
Cette décision représente ainsi une victoire pour les agents sportifs et d’une certaine manière un coup de sifflet final au développement de l’activité d’avocat mandataire sportif puisqu’aux termes de cette décision, les agents sportifs conservent leur monopole sur l’activité d’intermédiation et se retrouvent à l’abri d’une concurrence des avocats qu’ils estimaient déloyale.
Finalement, cette décision met malheureusement un frein à la moralisation du secteur sportif entreprise par le législateur en 2011 en permettant notamment à l’avocat d’y apporter son expertise juridique et sa probité.