Alors que l’épidémie du Coronavirus connaît une accélération en France, le Cabinet DMMS & Associés a été régulièrement consulté :
Voici quelques points récurrents qui, sans être exhaustifs, ont été évoqués par le Cabinet DMMS & Associés au cours de ces dernières semaines dans ces trois domaines :
1. L’employeur a une obligation de sécurité à l’égard des salariés. L’article L. 4121-1 du Code du travail prévoit qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique des travailleurs, parmi lesquelles des actions de prévention des risques, d’information et de formation des salariés et de mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Dans ce cadre, l’entreprise doit procéder à l’évaluation des risques en tenant compte des modalités de contamination, particulièrement de la notion de “contact étroit” et actualiser le Document Unique d’Evaluation des risques professionnels. Cette actualisation doit être effectuée en associant le Comité Social et Economique -CSE- et la Médecine du travail.
Le Document Unique d’Evaluation doit être actualisé en identifiant les situations de travail au sein desquelles sont réunies les conditions de transmission du Coronavirus et notamment les situations de travail réunissant les critères suivants : même lieu de vie, contact direct à moins d’un (1) mètre lors d’une toux, d’un éternuement ou d’une discussion de plus de 15 minutes en l’absence de mesures de protection.
Un “Plan de prévention CORONAVIRUS” est également susceptible d’être mis en œuvre au sein de l’entreprise sans préjudice de l’actualisation du Document Unique d’Evaluation des risques professionnels.
Ce type de plan de prévention devra, préalablement à sa diffusion au sein de l’entreprise, faire l’objet d’une information-consultation de la Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail, si elle a été mise en place ou, à défaut, du CSE.
Par ailleurs, sur le plan juridique, ce Plan de prévention pourrait être considéré comme une adjonction au règlement intérieur de l’entreprise, puisqu’il prévoit des mesures d’hygiène et de sécurité. Il devrait alors être adopté selon les mêmes formalités que le règlement intérieur (soumission à l’inspecteur du travail et entrée en vigueur 1 mois après l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité).
Toutefois, d’un point de vue pratique et compte tenu de la situation d’urgence, une diffusion de ce Plan pourrait être envisagée dès l’issue de la consultation du CSE, avec l’accord de ses membres.
2. En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, l’article L. 1222-11 du Code du travail autorise l’employeur à mettre en œuvre le télétravail sans l’accord des salariés. La mise en œuvre du télétravail est considérée comme un aménagement rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
Le Comité Social et Economique -CSE- de l’entreprise doit être consulté.
En effet, la mise en place du télétravail consécutive à l’épidémie pourrait constituer un aménagement important modifiant les conditions de travail en considération du nombre de salariés qui seraient “éligibles” à cette modalité de travail.
Or, un aménagement important rend obligatoire la consultation du Comité Social et Economique -CSE-.
Egalement, le Comité Social et Economique -CSE- a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail. Il a donc vocation à exercer un rôle de premier plan en cas d’épidémie, comme c’est le cas actuellement.
Le Code du travail prévoit d’ailleurs que le Comité Social et Economique -CSE- doit être consulté dès lors que des modifications importantes de l’organisation du travail sont envisagées ainsi que dans le cadre de la modification du Document Unique d’Evaluation des risques.
Le recours à la visioconférence est d’ailleurs envisageable pour ces réunions.
Cependant, si l’urgence l’exige, l’employeur peut prendre des mesures conservatoires avant la consultation du Comité Social et Economique -CSE-.
3. Une procédure de délivrance d’arrêts de travail dérogatoires au droit commun, ainsi qu’un régime d’indemnisation spécifique en faveur de parents d’enfants se trouvant dans l’impossibilité de travailler en raison du confinement de leurs enfants, a été mis en place.
Ainsi, notamment les parents d’un enfant scolarisé dans un établissement scolaire fermé peuvent bénéficier des indemnités journalières, sans délai de carence, s’ils se trouvent dans l’impossibilité de continuer à travailler, à défaut de télétravail possible. Il appartient alors à l’employeur de solliciter du salarié une attestation de garde d’enfant(s) à domicile et de déclarer l’arrêt de travail sur le site dédié de l’Assurance Maladie.
La prise en charge dépend de la limite d’âge du ou des enfants, laquelle est fixée à moins de 16 ans au jour du début de l’arrêt ou à moins de 18 ans pour les parents d’enfants en situation de handicap. En outre, l’arrêt de travail peut être partagé entre les parents.
4. L’employeur peut envisager le déplacement des congés déjà posés par un salarié sur une autre période à venir pour couvrir la quarantaine de 14 jours. Les jours de RTT laissés à la disposition de l’employeur peuvent également être conditionnés sur cette période, selon les modalités fixées par l’accord collectif régissant la durée du travail au sein de l’entreprise.
En revanche, si le salarié n’a pas posé de congés payés ou si la pose de jours de RTT est libre, l’employeur ne peut pas l’y contraindre.
5. Le Code du travail prévoit à l’article L. 4131-1 l’exercice d’un droit de retrait, c’est-à-dire la possibilité pour le salarié de se retirer d’une situation de travail lorsqu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’elle présente pour sa vie ou sa santé un danger grave ou imminent. L’appréciation de ce danger se fait au cas par cas et par le seul salarié.
En cas de contestation, il appartient au juge d’apprécier si le salarié a pu raisonnablement penser qu’il se trouvait en danger face au Coronavirus.
L’attitude de l’employeur sera prise en compte par le juge dans son appréciation du danger. Notamment, le juge pourrait considérer que l’employeur ayant suivi les recommandations gouvernementales périodiquement actualisées, le salarié ne courait pas de danger grave ou imminent de sorte qu’il n’était pas fondé à mettre en œuvre le droit de retrait.
Si l’exercice du droit de retrait est abusif, une retenue sur salaire pour inexécution du contrat de travail peut être effectuée. L’exercice non fondé du droit de retrait peut également constituer une cause et sérieuse de licenciement.
6. L’épidémie de Coronavirus peut-elle être invoquée comme force majeure pour s’exonérer de toute responsabilité en cas d’inexécution partielle ou totale d’un contrat commercial ?
La loi applicable au contrat doit tout d’abord être déterminée.
Si la loi française s’applique, l’article 1218 al. 1 du Code civil définit la force majeure comme un “événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.”
Le débiteur d’une obligation contractuelle de paiement d’une somme d’argent ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. Seules les obligations de faire, telle l’obligation de livraison, peuvent bénéficier de l’exonération liée à la force majeure.
Le débiteur de cette obligation contractuelle doit également respecter le formalisme éventuellement prévu pour notifier son incapacité d’exécuter et déterminer s’il s’agit d’une incapacité temporaire ou définitive, car les conséquences sont différentes : suspension du contrat ou résolution.
Enfin, en droit français, le cas de force majeure s’entend des événements qui rendent l’exécution de l’obligation impossible et non ceux qui la rendent seulement plus onéreuse.
A cet égard, on devrait considérer que l’épidémie actuelle constitue un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat, et si elle rend son exécution excessivement onéreuse pour l’une des parties, celle-ci pourrait, sur le fondement de l’article 1195 du Code civil en demander la renégociation et, en cas d’échec, sa résiliation par le juge. Notons, toutefois que pendant cette procédure de renégociation, les obligations des parties ne sont pas suspendues et le contrat doit être exécuté.
7. Dans le cadre de l’approbation des comptes sociaux pour les entreprises ayant arrêtés leurs comptes au plus tard le 31 décembre 2019, l’épidémie de Coronavirus et ses conséquences sont des événements postérieurs à la clôture de l’exercice qui ne sont pas de nature à ajuster lesdits comptes.
Toutefois, cette épidémie doit donner lieu à des informations adaptées à faire figurer en annexe et dans le rapport de gestion.
En effet, s’ils sont significatifs, les événements post-clôture, non liés à des conditions existant à la date de clôture et ne donnant pas lieu à un ajustement des états financiers, nécessitent une information en annexe.
Dans ce cadre, l’information à donner doit inclure la nature de l’événement ainsi qu’une estimation de son impact sur les comptes.
Quant au rapport de gestion, il doit exposer les événements importants entre la date de la clôture de l’exercice et la date à laquelle il est établi.
Pour les entreprises clôturant leurs comptes à compter de janvier 2020, elles devront prendre en considération les conséquences de l’épidémie Coronavirus dans le cadre de leurs arrêtés comptables, qu’il s’agisse de l’évaluation des actifs financiers et des impôts différés, de la dépréciation d’actifs corporels ou incorporels, ou de la valorisation des stocks.
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