En raison de la crise liée au COVID-19 et notamment des mesures prises par le gouvernement afin de lutter contre la propagation de la pandémie (interdiction de recevoir du public pour les commerces « non essentiels », confinements etc.), les locataires de locaux commerciaux ont dû faire face à des difficultés financières importantes. Ces difficultés ont généré un important contentieux en matière de baux commerciaux, et des décisions parfois contradictoires ont été rendues.
Par trois arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation a enfin répondu clairement aux arguments de locataires imaginatifs, qui avaient tenté d’invoquer plusieurs fondements juridiques pour échapper à leur obligation de payer les loyers dus au titre de la période dite « protégée » (i.e. période au cours de laquelle les poursuites ou sanctions encourues en cas de non-paiement des loyers ont certes été neutralisées, mais les loyers demeuraient exigibles [1]) :
(i) Aux termes de l’article 1219 du Code civil, en cas d’inexécution suffisamment grave par l’une des parties de son obligation, l’autre peut refuser d’exécuter la sienne. La Cour de cassation a écarté cet argument en estimant que les bailleurs n’ont pas manqué à leur obligation de délivrance au cours des périodes pendant lesquelles les commerces non essentiels ont été fermés par décret gouvernemental, même si le locataire n’a pu exercer son activité commerciale.
(ii) Le régime relatif à la perte de la chose louée de l’article 1722 du Code civil permet, dans le cas où le bien loué est détruit en totalité par cas fortuit, de résilier le bail de plein droit ; si le bien n’est que partiellement détruit, le locataire a la possibilité de demander la diminution du prix ou la résolution du bail. Pour écarter l’application de ce régime, la Cour de cassation a souligné que la fermeture administrative des commerces était uniquement justifiée par le caractère non essentiel de l’activité exercée par les locataires. Dès lors, une telle mesure ne pouvait être assimilée à une perte du local loué.
(iii) Selon l’article 1218 du Code civil, la force majeure se caractérise par un empêchement d’exécution causé par un événement échappant au contrôle du débiteur, raisonnablement imprévisible au moment de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées. Or, comme le précise la Cour de cassation, la force majeure ne s’appliquant pas au paiement d’une somme d’argent, elle ne peut être un argument permettant aux locataires de demander la résolution du contrat ou sa suspension.
En rejetant ces trois fondements, notamment l’exception d’inexécution et la perte de la chose louée, la Cour de cassation a pu indiquer que l’obligation de payer les loyers n’étaient pas sérieusement contestable.
Ainsi, au-delà du bien-fondé des arguments juridiques retenus par la Cour de cassation, cette dernière semble avoir poursuivi une logique économique. En effet, en prenant en compte l’importance des mesures d’aides financières dont ont pu bénéficier les locataires, la Cour de cassation a tranché en faveur des bailleurs.
Civ. 3e, 30 juin 2022, n°21-20.127 ; Civ. 3e, 30 juin 2022, n°21-20.127 ; Civ. 3e, 30 juin 2022, n°21-19.889
[1] Cf. article 4 de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 et article 14 de la Loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020.