Par une décision n° 2019-804 QPC du 27 septembre 2019, le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme à la constitution la modification de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.
Désormais l’administration fiscale doit dénoncer au procureur de la République les rectifications opérées conduisant à l’application, sur des droits supérieurs à 100.000 euros (1ère condition) d’une des pénalités suivantes (2ème condition) :
- 100 % de majoration ;
- 80 % de majoration ;
- 40 % de majoration lorsqu’au cours des six années civiles précédant son application le contribuable a déjà fait l’objet lors d’un précédent contrôle de l’application des majorations de 100 %, de 80 %, de 40 % ou d’une plainte de l’administration.
Quatre arguments étaient soulevés par l’association française des entreprises privées :
- tout d’abord, cette obligation de dénonciation entraînerait une distinction injustifiée entre les contribuables pour lesquels l’administration est tenue par cette nouvelle obligation et ceux pour lesquels elle n’est pas tenue ;
- cette obligation dépendant de l’application de certaines pénalités fiscales, la dénonciation serait indirectement soumise à l’appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale ;
- cette obligation étant fondée sur le montant des droits éludés, elles établiraient une différence de traitement injustifiée entre les sociétés bénéficiaires et déficitaires ;
- en dernier lieu, apparaît une différence de traitement liée à une hypothèse de réitération des pénalités entre les sociétés appartenant à un groupe fiscalement intégré et les autres sociétés.
Le Conseil Constitutionnel a écarté l’ensemble des arguments pour les motifs suivants :
- En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu soumettre systématiquement au procureur de la République, aux fins de poursuites pénales, les faits de fraude fiscale les plus graves dont a connaissance l’administration. À cette fin, il a retenu comme critères de dénonciation obligatoire le fait que les droits éludés sont supérieurs à 100 000 euros et qu’ils sont assortis de pénalités. Ces critères, objectifs et rationnels, sont en lien avec le but poursuivi par le législateur ;
- En deuxième lieu, l’administration est soumise, pour l’application des pénalités fiscales correspondant aux agissements précités, au respect des principes de légalité et d’égalité ;
- En dernier lieu, d’une part, les sociétés contribuables dont le résultat apparaît bénéficiaire ne sont pas dans la même situation que celles déficitaires dont les manquements ne causent pas de préjudice financier au Trésor public. De ce fait, ces manquements n’entrent pas dans les catégories retenues par le législateur pour définir les cas de fraude fiscale les plus graves appelant une transmission automatique au parquet.
- D’autre part, le caractère réitéré des manquements des contribuables faisant l’objet d’une majoration de 40 % pour certaines omissions ou insuffisances déclaratives ne pouvant être établi qu’à l’égard d’un même contribuable, les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré, au sein duquel chaque société demeure contribuable, ne sont pas traitées différemment des autres sociétés.
L’assouplissement du « verrou de Bercy » est donc validé par le Conseil Constitutionnel ce qui entérine l’influence grandissante du droit pénal dans la matière fiscale.